Le doute

Des missionnaires. C'est sans doute ce que nous sommes finalement. Des missionnaires. Ah, la chose publique, quelle belle cause.

La semaine dernière, avec mes collègues de l'ambassade, nous sommes partis en mission à Saragosse prêcher la bonne parole des études en France. Outre le travail, sur lequel je ne m'étendrai pas, nous avons été particulièrement bien reçus par des élèves qui traversent une période de doute intense quant à leur avenir.

Les voir m'a rappelé cette étape insupportable dans la vie de l'étudiant : toutes les portes s'ouvrent, laissant entrer un trou béant d'incertitudes.Quel chemin choisir ? Que vais-je faire de ma vie ? Que vais-je devenir maintenant que ma voie n'est plus toute tracée ? Vers où me tourner ?

Ce sont de longues journées d'interrogations pendant lesquels chacun a l'impression que la décision qu'il prendra sera vitale. Comme si sa vie en dépendait. De longues journées d'introspection qui aboutissent à la création d'un moi disséqué,trituré, surdimensionné ; un moi qui ne ressemble plus à rien. Qui suis-je finalement ? Et puis, un jour de souffrance intense, insupportable, la décision est prise ; comme un renoncement. Comme un déchirement. Personne n'est sûr de rien. Ai-je fait le bon choix ? Le "bon choix". Ce fameux "bon choix". Etourdissant.

Quand ces insupportables journées de doutes commencent à s'immiscer dans la vie de l'étudiant, celui-ci pense que ce n'est qu'un mauvais moment à passer ; qu'une fois qu'il aura pris sa décision, le soleil reviendra éclairer son existence et toutes les ombres s'estomperont. Ah, s'il savait...

S'il savait que le doute est un animal perfide qui, une fois qu'il a mordu sa proie, ne la lâche que pour mieux lui sauter à la gorge...N'en déplaise à René, je n'aime pas le doute.