Un matin

Pas de soleil ce matin. A l'horizon et sur la Gran Vía oui. Dans ma tête ensommeillée en manque de repos, non. Qu'une énorme brume ; tellement opaque.

Je suis en retard, je le fais exprès. J'en ai assez d'arriver à l'heure. J'ai envie de me démontrer que je peux arriver en retard. Et puis c'est vendredi après tout. je marche vite tout de même, parce que si j'ai envie d'arriver en retard, pour une première, je n'arrive pas à me permettre un vrai retard.

En chemin, mon pas pressé croise l'oreille d'un jeune aveugle. Il plante sa canne devant mes chaussures et me force à m'arrêter brusquement. Coupée dans mon élan, j'en trébuche presque. Il me demande alors où se trouve le métro Chueca. J'adoucis ma nervosité. Je le prends par le bras pour l'emmener jusqu'au métro. Nous entamons la conversation l'espace d'infimes minutes. Il me dit qu'il travaille dans un centre d'appel, me  demande ce que je fais ; je lui réponds. Je suis étonnée de constater qu'il connaît parfaitement le système d'homologation des diplômes et les problèmes qui y sont liés. Je le laisse devant le métro. Il me remercie. Je le remercie aussi. J'aurais aimé que le trajet jusqu'au métro soit plus long, j'aurais aimé que nous ayons le temps de discuter d'avantage, qu'il me laisse le temps de lui parler d'avantage, que nous ayons le temps de nous connaître. Il ne sait pas que c'est lui plus que moi qui a rendu service aujourd'hui. Il ne sait pas qu'il était beau en ce vendredi matin ensoleillé, avec son sourire constant, ses yeux bleus égarés, son pas hésitant. Il ne sait pas que je lui dois tellement de m'avoir demandé mon bras, de s'être confié à moi.

Comments

[Cécile]

tellement vrai ! Des rencontres, comme on aime avoir...

[Céline]

C'est très touchant...